Newsletter ALERTE INFO PARAPRO
✏️ Christophe Collin
📅 13 mai 2025 (maj 21/05/2025)
👓 10 minutes
Dans le monde du parachutisme, la réglementation européenne est peu connue. Et pour cause, celle-ci s’applique aux exploitants d’aéronefs mais pas directement aux parachutistes.
Ce sont donc les exploitants qui ont porté le poids du grand changement qu’a été la réglementation “AirOPS”, intégrée en 2012 et applicable entre 2016 et 2017. Cette nouvelle réglementation européenne est venue supplanter l’arrêté français du 24 juillet 1991 relatif aux conditions d’utilisation des aéronefs civils en aviation générale. À noter que cet arrêté est toujours en vigueur pour les aéronefs qui ne relèvent pas de l’agence européenne (EASA) : les avions de collection et les ULM.
NB : à partir du 1er Juillet 2025, un nouvel arrêté relatif aux conditions d'utilisation des ULM entrera en vigueur, l'arrêté de 1991 ne sera donc plus applicable aux ULM.
Le règlement AirOPS détermine les dispositions techniques relatives à l’exploitation des aéronefs. C’est à dire les activités de :
Transport de passagers commercial
(ex: une compagnie aérienne comme Air France)
Transport de passagers non commercial
(ex: l’utilisation d’un jet privé au sein d’une entreprise)
Opérations spécialisées commerciales
(ex: travaux d'élingage par hélicoptère en montagne)
Opérations spécialisées non commerciales
(ex: vols de voltige aérienne en aéroclub)
L’objectif est de standardiser les règles à l’échelle européenne et de continuer à améliorer le niveau de sécurité grâce à la mise en place de nouvelles mesures d’organisation, de supervision et de contrôle. En clair, une grosse mise à jour permettant de poser des bases saines pour l’aviation de demain.
“Les chiffres de l’accidentologie en aviation générale soulignent la persistance des risques inhérents à ce secteur. Ce chiffre n’indique pas de détérioration, mais le sujet demeure préoccupant et nécessite une vigilance constante ainsi que des actions concrètes d’amélioration de la sécurité. L’aviation, qu’elle soit commerciale ou générale, reste un secteur où la sécurité doit être constamment renforcée. Les défis évoluent, mais notre engagement à maintenir les plus hauts standards de sécurité impose à tous les acteurs, opérateurs, constructeurs, fabricants d’équipements et autorités, de rester en alerte et réactifs. La complexité croissante des menaces exige de chacun une vigilance renforcée et une adaptation continue de nos pratiques pour assurer la sécurité des vols.”
Damien Cazé (Directeur général de l’Aviation civile) dans le rapport annuel 2023 sur la sécurité aérienne.
L’appropriation de cette réglementation a été fastidieuse et risque de l’être encore pour les derniers réfractaires : la mise en conformité a un coût non négligeable en termes de temps et d’argent. Mais près de 10 ans après sa sortie, l’aviation civile continue à sensibiliser les esprits sur ces règles, vaguement comprises pour certains, source d'interprétation pour d’autres.
C’était en partie l’objet de l'intervention de Mme Karine GAY, adjointe au chef de la mission aviation légère, générale et hélicoptères (MALGH), le 25 janvier 2025 lors du congrès technique de la Fédération Française de Parachutisme. Cet article reprend une partie des sujets évoqués en cette occasion, et méritant d’être portés à la connaissance de tous les parachutistes et exploitants d’aéronefs effectuant du parachutage.
Activité commerciale : Il s’agit de toute exploitation d'un aéronef à titre onéreux. Que le saut en parachute soit effectué au sein d’une association ou d’une société, chaque “place avion” payante est donc une activité commerciale, qu’elle soit pour un solo sportif ou un tandem.
SPO : Dans le règlement AirOPS, c’est la partie qui traite des opérations spécialisées commerciales (commercial SPecialised Operations).
NCO : Dans le règlement AirOPS, c’est la partie qui traite des opérations non-commerciales (Non Commercial with Other than complex aircraft).
Location coque nue : C’est quand le propriétaire d’un aéronef le met à disposition d’un exploitant d’aéronef. Il doit y avoir un contrat de location et le propriétaire n’est pas responsable de l’exploitation de son aéronef. La maintenance peut être incluse dans ce type de location.
Affrètement : C’est quand une structure (société ou association) ou un particulier loue les services d’un exploitant d’aéronef. Dans ce type de location, le client paye un service “clé en main” incluant la prestation de parachutage mais aussi tout ce qu’il y a autour (maintenance, assurance, pilote, formations, procédures d’exploitation, etc…).
MANEX : C’est le Manuel d’Exploitation dans lequel l’exploitant consigne toutes ses procédures opérationnelles. Il est toujours rédigé en 4 parties : Généralités et fondements, Utilisation des aéronefs, Instructions relatives aux aérodromes et aux routes, Formations.
Aéronef complexe : Il s’agit des avions ayant une masse maximale au décollage supérieure à 5,7 tonnes ou certifiés pour plus de 19 passagers assis ou certifiés pour voler obligatoirement à 2 pilotes ou équipés d’au moins un turboréacteur ou équipés de plus d’un turbopropulseur. Pour les hélicoptères, ils sont considérés complexes si leur masse maximale au décollage est supérieure à 3,175 tonnes ou s’ils sont certifiés pour plus de 9 passagers assis ou s’ils sont certifiés pour voler obligatoirement à 2 pilotes.
Liste minimale d’équipement (LME ou MEL) : Il s’agit d’un document listant tous les équipements installés dans l’avion, et indiquant lesquels peuvent être inopérants, sous quelles conditions, et pendant combien de temps. En clair, cette liste permet de pouvoir voler avec des équipements en panne (sous certaines conditions). Sans cette liste, la moindre panne sur l’avion empêche son exploitation.
La réglementation applicable aux exploitants d'aéronefs diffère selon l’aéronef utilisé ainsi que le type d’activité entreprise. On rappelle que la vente de place avion est une activité commerciale, même pour une association.
Contrairement au NCO, lorsqu’un exploitant est assujetti à la partie SPO il doit également appliquer la partie “ORO” (Organisation Requirements for air Operations). Il doit alors notamment :
Mettre en place un système de gestion de la sécurité et de la conformité ;
Désigner des responsables (Cadre dirigeant, Opérations Aériennes, Opérations au Sol, Sécurité, Surveillance de la Conformité, Formation des équipages) ;
Etablir une Liste Minimale d'Équipement pour chaque aéronef exploité ;
Etablir un Manuel d’Exploitation
Archiver les dossiers de vol
Accueillir des contrôles réguliers de l’Aviation Civile
Par définition la réglementation NCO, moins contraignante que le SPO, est applicable uniquement aux exploitants qui n’ont pas d’activité commerciale. La vente de places avion ou de sauts en tandem étant une activité commerciale, tous les centres de parachutisme français seraient donc censés respecter la réglementation SPO. Néanmoins par dérogation et sous réserve de respecter certaines conditions, un exploitant d’aéronef effectuant du parachutisme peut être assujettie à la réglementation NCO au lieu de la réglementation SPO. Cette dérogation est définie dans l’article 6, paragraphe 4 (c) de l’AIROPS :
“Operators shall only operate an aeroplane or a helicopter for the purpose of commercial specialised operations in accordance with the requirements specified in Annexes III (ORO) and VIII (SPO). But, by way of derogation, the following operations with other-than complex motor-powered aeroplanes and helicopters, may be conducted in accordance with Annex VII (NCO) : parachute dropping performed by an organisation created with the aim of promoting aerial sport or leisure aviation, on the condition that the aircraft is operated by the organisation on the basis of ownership or dry lease, that the flight does not generate profits distributed outside of the organisation, and that whenever non-members of the organisation are involved, such flights represent only a marginal activity of the organisation.”
“with other-than complex motor-powered” = les aéronefs complexes ne peuvent pas être exploités en NCO
“ownership or dry lease” = l’exploitant NCO doit être propriétaire de son aéronef, ou bien le louer coque nue
“does not generate profits distributed outside” = l’exploitant NCO doit être une association à but non lucratif (loi de 1901) : pas de société
“whenever non-members of the organisation are involved, such flights represent only a marginal activity” = Les sauts de non-adhérents doivent représenter une part marginale des heures de vol (l’aviation civile conseil moins de 8%)
➡️ En résumé, une association créée pour promouvoir le parachutisme en exploitant un aéronef non complexe dont elle est propriétaire ou qu’elle loue “coque nue” et dont moins de 8% des heures de vol sont consacrées à des personnes non membres de l’association, peut être assujettie à la partie NCO uniquement (pas de SPO ni d’ORO).
Attention : du fait de leurs avantages fiscaux, les associations ont interdiction de concurrencer les activités commerciales des sociétés du même secteur :
Publicité commerciale interdite (lire l'article sur HelloAsso)
Interdiction de vendre des sauts en tandem via des partenaires (Wonderbox, etc…)
Un exploitant NCO :
peut prendre en location un aéronef sans pilote (location coque nue / dry lease in) ;
ne peut pas prendre en location un aéronef + pilote d’un autre exploitant (affrètement / wet lease in) ;
peut mettre en location l'aéronef dont il est propriétaire, sans pilote vers un autre exploitant (location coque nue / dry lease out) ;
ne peut pas mettre en location son aéronef + pilote vers un autre exploitant (affrètement / wet lease out).
⚠️ Attention à ne pas confondre la location coque nue et l'affrètement :
Location coque nue : l'exploitant est celui qui prend en location l'aéronef
Affrètement : l'exploitant est celui qui met en location l'aéronef avec son pilote
Comme d’autres sujets importants, la réglementation fait partie intégrante des systèmes d’amélioration de la sécurité. Il est de fait primordial de la comprendre et d’être capable de se l’approprier pour la mettre en œuvre de manière vertueuse dans nos exploitations de parachutage.
La recherche a établi 3 piliers de sécurité sur lesquels une attention permanente est nécessaire :
la fiabilité technique ;
les systèmes de management de la sécurité ;
les facteurs organisationnels et humains.
Ces 3 domaines correspondent en fait à l’évolution des approches de la sécurité au fur et à mesure du temps. La première priorité a été de fiabiliser le matériel puis de mettre en place des règles de gestion de la sécurité, et c’est depuis les années 2000 que l’accent est mis particulièrement sur le facteur humain, qu’il soit personnel ou organisationnel.